En 2008, je suis dans une progression de carrière fulgurante : en l'espace de 5 ans sur le marché du travail, j'ai bâti ma pratique privée en clinique, appris le métier de conférencière et de consultante en psychologie organisationnelle, réalisé des mandats d'envergure en entreprise et obtenu une promotion comme directrice du développement des affaires.
Je roule à fond la caisse, les fenêtres ouvertes, la musique dans le tapis. Et je ne prends jamais le temps de regarder le tableau de bord.
Quand tu roules à 250km/h, baisser les yeux peut sérieusement te mettre à risque...de réaliser que tous tes indicateurs de problèmes sont allumés.
En décembre de cette même année, l'occasion se présente de retrouver de la famille en Asie pendant la période des Fêtes. Avec un teint pâle, un sentiment constant de fatigue et une irritabilité palpable dans chacun de mes mots, je plie bagage et je pars.
À ce moment, je ne sais pas encore que je ne reviendrai jamais totalement.
En mettant les pieds à Bangkok, ce n'est pas l'humidité ni la chaleur qui me bouscule. C'est un sentiment de froid et de vide intérieur qui me cloue la réalité au sol : je suis en incohérence profonde avec mes valeurs.
Quand j'accompagne des gens à faire des choix santé, à guérir de leur épuisement, à entretenir des attentes réalistes, à faire preuve de bienveillance envers eux-mêmes, leurs proches ou les membres de leur équipe et que je n'applique pas ce que j'enseigne dans ma propre vie, ce n'est pas faire preuve d'authenticité.
Quand je travaille les soirs, les fins de semaine, que je néglige mes amis et ma famille et ma santé pour prioriser le travail, ce n'est pas faire preuve de respect.
Quand je consomme du luxe, des restos, des vêtements, des gadgets, car après m'être autant surmenée, "je le mérite bien", ce n'est pas faire preuve de simplicité.
Quand j'ai besoin d'impressionner par mes réalisations et d'être remarquée pour mon potentiel au prix de mon équilibre, ce n'est pas être libre.
Dans les grains du sable fin de la Thaïlande, j'ai laissé des grains de moi. Et j’ai souhaité que les marées emportent ce qui m’éloignait de ma capacité à faire preuve d’une présence authentique aux autres.
Mais ce n’était pas aux marées à faire ce ménage.
Outre tout le travail intérieur qu’à nécessité cette prise de conscience, j’ai aussi choisi de travailler à ce que chaque petit grain de mon quotidien me rapproche de cette cohérence recherchée.
Et quand je dis « grain », il s’agit bien de grains, de minuscules petits changements dans une multitude d’aspects subtiles de mon quotidien.
De ces particules de changement, lentement, sont nés le temps libre, l’espace intérieur et une plus grande capacité de présence à l’autre.
15 ans plus tard, je continue de trier mes grains de sable, jour après jour. La santé mentale, ce n'est pas un état stable absolu; c'est plutôt comme les marées.
Les marées hautes propulsent. Les marées basses imposent un temps d'arrêt. Les grandes marées bousculent. Et parfois, il y a ces eaux calmes dans lesquelles on peut voir son propre reflet.
Prendre conscience de soi, faire preuve d'honnêteté envers soi-même et agir en conséquence lorsque notre reflet nous indique qu'il est temps de prendre soin de soi, c'est aussi ça la santé mentale.
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